« Nous avons été surpris par l’affiche à l’Alliance de Moroni d’un spectacle, participant étrangement au discours séparatiste et au jeu des stigmatisations insulaires. L’anjouanais – c’est son titre – est un projet porté par la Cie TchéZa, une compagnie de danse, dont le projet reçoit le soutien notamment de l’ambassade de France aux Comores. Le spectacle est programmé pour ce 24 Juin sur la scène de l’AFC.
Nous trouvons étrange cette volonté de la part d’un acteur culturel de stigmatiser une micro identité insulaire, en se réclamant de clichés et de préjugés certains, à l’heure où nous disions être revenus de toutes les crises de sécession, encouragées par la France – partenaire historique, qui a énormément travaillé au démembrement de cet archipel par le passé. Nous croyons que nos artistes ont une responsabilité dans la reconstruction du pays, et non dans le travail de démolition de nos imaginaires.
La compagnie TchéZa appartient à une dynamique de jeunes, très peu au fait de notre histoire. Sans doute n’ont-ils pas mesuré la gravité de leur propos par rapport à l’unité de la communauté archipélique. Avant la colonisation française, il n’y avait jamais eu d’assignations identitaires au niveau de nos îles. Il existait bien une identité, servant de prête-nom à tous les habitants de cet espace : mMasiwa/ waMasiwa. Mais nous admettions l’idée que nous étions les descendants d’une population cherchant à renouer avec son humanité ébranlée, et non le résultat d’une vision cherchant à obtenir la possession d’une île ou d’une autre, au nom d’un pouvoir quelconque.
L’avènement de la France dans nos îles a tout changé. Ce sont les colons français, qui, les premiers, ont voulu ériger des frontières entre nos îles, selon la triste idée du diviser pour mieux régner. Alfred Gevrey a développé cette vision dans un essai sur les Comores au 19ème siècle. Balladur est parvenu à rendre concrète cette frontière avec son tristement célèbre visa. Aujourd’hui, on sait ce que cela nous a coûté. Maore est partie, Mwali a voulu suivre, puis il y eut cette insurrection de 1997 à Ndzuani, sans oublier les discours discriminants diffusés depuis Ngazidja.
Qu’un artiste, au nom de sa liberté d’expression, réutilise les clichés et les préjugés divisant le pays comme principal matériau nous rend perplexes. Nous condamnons l’odeur nauséabonde charriée par ce projet. En tant que fondation, œuvrant au service de la mémoire archipélique, nous sommes convaincus que d’autres manières d’interroger les imaginaires de ce pays existent. Aux créateurs de savoir s’en saisir, au lieu de laisser entendre qu’ils sont là pour soutenir le discours de l’adversité.
Nous ne militons pas pour une forme de censure. Nous diffusons ce communiqué pour ne pas regretter, un jour, de ne l’avoir pas fait. Nous espérons que ceux qui se targuent de célébrer bientôt le cinquantenaire de notre souveraineté, longtemps mise à mal, s’en saisiront et s’exprimeront. Pour éviter que nos enfants n’applaudissent une défaite intellectuelle (ou collective, ou de notre part) ».
La fondation Beshelea na Ntsi
Voilà la présentation faite par la compagnie de danse TchéZa sur le spectacle L’Anjouanais : « L’Anjouanais » est un spectacle où le Comorien anjouanais, dans sa pluralité, est mis à l’honneur. L’anjouanais s’est construit une identité à partir des clichés (les travailleurs, les sanguinaires, les riches, les sauvages, les pingres… etc.) L’Anjouanais s’amuse de ses contradictions : aux yeux des Comoriens tantôt des rebelle de son royaume tantôt sous les plus patriotes de l’archipel… C’est un regard sur sa grandeur, les préjugés, ses préjugés, sa rencontre avec les autre iles de l’archipel, leurs rivalités ou encore leurs luttes partagées ».