À un moment donné, nous nous sommes posés la question de l’origine et de la signification du nom COMORES. Certains chercheurs l’attribuent à une légende de marins arabes émerveillés à l’approche de nos îles. Ils vous citent la fameuse antienne du djuzur l’kamar, les îles de lune. On la retrouve dans les chroniques des voyageurs et sur les cartes d’une époque reculée. D’autres nous parlent de kmr ou de ko moro, qui serait issus, semble-t-il, d’une tradition nettement plus africaine.
Soumis aux déformations langagières des populations européennes circulant dans cet espace, ce nom a évolué au fil des siècles, jusqu’à générer l’appellation actuelle de Comores, qui a eu l’air d’arranger la sémantique du dernier colon arrivé. Les mots, les noms, ont du sens, n’en déplaise à certains. L’appellation « Comores » sent la comorbidité (terme médical, beaucoup plus usité depuis la Covid-19) à plein nez. Comores, comme-morts. Comoriens, comme-riens. Quand on analyse par ailleurs les termes de Moroni (la mort, toujours) en lieu et place de Undroni (là où il fait bon vivre) ou de Mayotte (qui viendrait de l’arabe maïti, l’odeur de la mort, toujours) à la place de Maore, on peut vite se laisser perturber par ces choix entrepris par le colon.
Cette nécrologie – ce caractère volontiers mortifère – exige réflexion (et peut-être plus qu’une réflexion), après cinquante années de déboires et d’élucubrations politiques. Changer de nom peut changer un mental. Le choix de passer de la Haute-Volta – nom colonial – au Burkina Faso, pays des hommes intègres, engagé par feu Sankara à son arrivée au pouvoir, a transformé l’imaginaire de tout un peuple. Nous ne serons pas les premiers à y penser, à vouloir trouver un nom qui nous parle et représente notre vision du monde. Récemment encore, le Swaziland a choisi de changer de peau et de s’appeler Eswatini. Cela nous changera probablement de la manière dont le colon a souhaité nous figer depuis bientôt deux cents ans. On parle bien sûr d’une étymologie que beaucoup confondent avec un esprit de défaite collective.
Nous sommes bien évidemment au courant que les « Comoriens » sont pris en étau par d’autres préoccupations. Mais il n’est peut-être pas déplacé – à l’heure du cinquantenaire de notre indépendance – de demander à changer de nom, en espérant retrouver l’alternative (l’empowerment) sur nos destinées _ seule condition pour l’érection d’un récit en lien direct avec la mémoire de ces lieux que nous avons reçus en partage. Il y a bien eu des hommes et des femmes qui se sont littéralement amusés à nous changer de drapeau plus d’une fois depuis 1975. La fondation Beshelea na Ntsi, qui se veut parmi les gardiennes de notre mémoire, appelle à ouvrir le débat sur cette question. Pour que les habitants de cet espace recouvrent enfin un début de dignité dans leur manière de se représenter. Car oui, notre indignité naît en partie de ce nom, et nous savons aussi comment les assignations insulaires, décidées par l’adversité coloniale, ont servi à nous mettre les uns contre les autres.
Ceci est un appel à ouvrir le débat, et non un point de vue définitif. En l’occurence, l’appel est ouvert à tous les citoyens intérressés et concernés.
27 premiers signataires de l’appel
- Soeuf Elbadawi, auteur et artiste
- Saindou Kamal’Eddine, journaliste
- Abdulhamid Afraitane, citoyen, ancien ministre
- Anissi Chamsidine, ancien gouverneur de Ndzuani
- Mohamed Bacar, citoyen
- Samia Abdoul-Madjid, développement institutionnel
- Fatima Boyer, présidente du Collectif du patrimoine
- Abdoulbastoi Moudjahid, avocat au barreau de Moroni
- Papa-Abdou Issa, géographe de formation
- Abdou-Ahmed, citoyen, Amicale panafricaine
- Ahmed Mohamed Ben, Collège des Sages
- Aït-Ahmed Djalim, membre de la société civile
- Ali Y. Alwahti, acteur au développement
- Naenmati Ibrahim, journaliste et militante associatif
- Ali Moindjié, journaliste
- Mohamed Boudouri, journaliste
- Elarif Msaïdié, enseignant en histoire
- Hasani Madjuwani, journaliste
- Fatima Ousseine, avocate
- Dr Musbah Abdou Ada, médecin
- Alfene Abdou, journaliste et contrôleur des postes
- Mohamed Soilihi Ahmed, journaliste
- Fatuma Eliyas, entrepreneure
- El-Farouk Ben Said Issouf, conseiller vendeur
- Mohamed Dhacoine Souondi, prévention et sécurité
- Mdahoma Said Cheik, citoyen, sarumaya
- Ibrahim Mansour, entrepreneur
Prière à toute personne souhaitant être co signataire de cet appel de nous écrire : besheleanantsi@outlook.com